11 juin 2014

Portrait // Daunte Culpepper [Vidéo]

Une âme de footballeur, dans un corps de joueur de baseball


Pour beaucoup, Daunte Culpepper c'est ce quarterback au physique généreux qui a participé au naufrage collectif des Lions en 2008. 16 matchs, 16 défaites. La perfection. À l'envers. Cette année-là, le passeur participe à cinq rencontres. A la clé, vous l'aurez deviné, cinq revers. Culpepper est au crépuscule de sa carrière. Après des passages peu concluants à Miami et Oakland, elle s'achève à Detroit, une ville en déliquescence. Comme le vieillissant QB. Pourtant les choses avaient si bien commencé. Car si pour de nombreux fans de football Culpepper rime avec 0-16, pour les fans des Vikings, les vrais, les purs, les durs, Culpepper c'est 2004, une année phénoménale, historique. Une saison de rêve après des débuts délicats qui auraient pu lui valoir un titre de MVP, si seulement un certain Peyton Manning ne sévissait pas déjà à l'époque.

Le football, c'est sa grande passion

Si sa carrière NFL a été faite de bas, mais aussi de hauts, de très hauts même, ses premiers pas dans le monde n'ont pas été idylliques. Loin de là. Né en Floride en 1977 d'un père inconnu et d'une mère jeune (trop jeune) détenue pour vol à main armée, Daunte est confié à Emma Culpepper alors qu'il n'a qu'un tout petit jour. Il rejoint une fratrie d'une dizaine d'autres enfants, eux aussi adoptés ou recueillis par la quinquagénaire. Six ans plus tard, alors qu'il est pleinement intégré à ce qu'il a toujours considéré comme étant sa famille, Barbara Henderson, sa mère biologique, tout juste libérée de prison, frappe à la porte et réclame son fils. Daunte n'a pas d'autre choix que de la suivre. À contrecœur. Rapidement consciente de la profonde tristesse qui habite son fils, sa mère le ramène auprès d'Emma Culpepper et s'en va. Pour toujours. Un sacrifice dont le futur quarterback lui sera éternellement reconnaissant. 

Dans un environnement partagé entre la discipline et l'amour presque maternel d'Emma, Daunte s’épanouit. Curieux, impliqué, il touche à tout. De la contrebasse au baseball, en passant par le basketball et bien évidemment le football. Lanceur sur le monticule l'été, receveur sur le pré vert l'hiver. Son futur de quarterback prend vie un jour d'entraînement. Un jour comme un autre pourtant. Anodin. Récupérant une passe chancelante de son lanceur, il réexpédie le cuir à pleine vitesse vers ce dernier. La scène n'échappe pas à son coach. Du jour au lendemain, Daunte est reconverti en quarterback. C'est ce qu'on appelle avoir le nez creux.

Dès son arrivée au lycée Vanguard d'Ocala en 1991, il ne rêve que de la NFL. Son but est tout trouvé et rien ne pourra se mettre en travers de son chemin. Fan absolu de Dan Marino, il voue une passion profonde pour le football. Ce qui ne l'empêche pas de briller au baseball et au basket. Bourreau de travail, il hante la salle de muscu tout en gagnant en vitesse et en puissance à mesure que son corps change. À l'époque déjà sa rapidité et son physique imposant font de lui un joueur atypique. Seulement, s'il brille en salle d'entraînement, on ne peut pas en dire autant en salle de classe. Étudiant paresseux, ses notes ne volent pas très haut. Tellement qu'elles flirtent avec le ras du sol. Si bien qu'il génère un très maigre intérêt auprès des universités. Après avoir longtemps suscité la curiosité de grosses écuries locales comme Miami, Florida et Florida State, les chances de décrocher une scolarité dans ces prestigieux programmes se sont envolées. En avoir dans le bras ne suffit pas, il en faut également dans le ciboulot. Culpepper l'apprend à ses dépens. Mais pas de quoi enterrer ses rêves de NFL. Il veut joueur le dimanche et rien ni personne ne l'en empêchera.

Il était une foi

Culpepper et UCF, une histoire de respect mutuel
Gene McDowell, alors coach de Central Florida, profite du peu d'enthousiasme autour de Culpepper pour tenter d'attirer dans ses filets un joueur bourré de potentiel. Une opportunité en or pour un programme qui s'apprête à faire le grand saut de la Division I-AA (FCS) à la Division I-A (FBS). Les Golden Knights ne laissent rien au hasard et entourent le jeune quarterback d'un ancien prof de lycée afin de faire remonter ses notes lors de sa dernière année de secondaire. Daunte ravale sa fierté et s'implique pleinement en classe. Le résultat est payant. Ses performances scolaires sont en net progrès. Quant à ses performances sportives, elles sont sensationnelles : 3074 yards et 31 touchdowns par les airs, 602 yards au sol et une razzia sur les récompenses en tout genre en Floride. Il s'illustre une dernière fois sur les parquets (19.5 points, 11.3 rebonds, 5.1 passes et 3.3 interceptions de moyenne), ainsi que sur le monticule. De quoi lui valoir une sélection par les Yankees au 26e tour de la draft 1994. Mais il n'a qu'une chose en tête : le football. Direction UCF désormais. La route vers la NFL est ouverte.

Sa brillante année de sénior au lycée a beau avoir ravivé l'intérêt de certaines grosses écuries, il décide tout de même de rejoindre les Black Knights. Le programme lui a exprimé une foi inébranlable et il compte bien lui donner raison. Un homme d'honneur ce Daunte. Dans sa dernière année dans la Division 1-AA, l'attaque de UCF tourne à plein régime. Culpepper enchaîne les performances et conclut la saison sur un convaincant succès 37-17 face à l'université du Maine. La presse nationale commence à s'intéresser à son histoire et le prestigieux New York Times lui consacre un article. UCF fait ses adieux à la FCS sur un bilan mitigé de 6-5. Place à la nettement plus relevée FBS. Le début des choses sérieuses.

La saison 1996 débute fort avant de s'arrêter net. Après un comeback spectaculaire face à William & Mary, Culpepper se blesse à la cheville la semaine suivante. Il doit observer un mois de repos. À peine revenu au jeu, c'est son épaule qui encaisse lors du test grandeur nature chez les Yellow Jackets de G-Tech. En véritable leader, il refuse de quitter le terrain. Portés par le courage de leur quarterback, les Black Knights résistent avant de finalement s'incliner 20-27. Premier test concluant face à une grosse écurie. Grâce notamment à une performance de haute volée face à UAB (421 yards et 3 touchdowns), Daunte et UCF concluent la saison sur un prometteur 5-6.

La saison suivante s'achève sur un bilan identique. Malgré des revers étriqués face à Ole Miss et South Carolina, Culpepper brille. Face aux prestigieux Nebraska Cornhuskers, UCF résiste longtemps avant de céder. Face aux programmes de moindre envergure, Daunte est sans pitié : 390 yards contre Toledo, 385 yards et 5 touchdowns contre Northeast Louisiana. Des prouesses qui lui valent une place de finaliste pour le Davey O’Brien Award récompensant le meilleur quarterback universitaire du pays. Face à la concurrence de Peyton Manning et Ryan Leaf (dont on pensait encore à l'époque qu'il était un joueur de football...), il renonce à se présenter à la draft 98 et rempile pour une dernière année à Central Florida. Sage décision.

Entre espoirs de Bowl et potentiel Heisman Trophy, la pression est forte à l'orée de la saison 1998. Et dès la première semaine, Culpepper montre qu'il ne la craint pas. Bien au contraire même, il s'en nourrit. Louisiana Tech en fait les frais : 479 yards, 6 touchdowns et un volée mémorable 64-30. La semaine suivante, il inflige 7 touchdowns à Eastern Illinois avant de finalement s'incliner contre Purdue. Les Black Knights rebondissent immédiatement et enchaînent cinq succès. Daunte poursuit son entreprise de démolition massive. Multipliant les performances stratosphériques, il efface des tablettes plusieurs records. Le bilan de 9-2 ne suffit pas pour décrocher un billet pour le Oahu Bowl à Hawaii. Culpepper, malgré ses 4154 yards et 40 touchdowns en attaque, est snobé par le Heisman Trophy. Avec 73.6% de passes complétées, il se permet pourtant le luxe de battre la marque établie par Steve Young quelques années auparavant.

Après une carrière universitaire aboutie au sein d'un programme en plein développement, Culpepper est prêt à se lancer dans le grand bain. Reste à savoir où.

Daunte Culpepper & Randy Moss, duo de choc
Du soleil de Floride aux 10 000 lacs du Minnesota

1999. Les Violets se remettent tout juste de l'immense désillusion de la finale de conférence face aux Falcons. Malgré un Randall Cunningham au sommet de son art la saison précédente, le board pense déjà à l'avenir. Et il a bien raison. Avec le 11e choix général, les Vikings sélectionnent un quarterback. Après que Tim Cough (bust!), Donovan McNabb (dont on préfère oublier le passage dans le Minnesota) et Akili Smith (bust!) se soient envolés, la franchise du grand Nord jette son dévolu sur Daunte Culpepper et ses mensurations improbables. 193 cm sous la toise, 118 kilos sur la balance, un bras canon, des performances convaincantes à UCF, le bonhomme a de quoi séduire. Mais il devra attendre. À l'époque déjà, drafter un passeur au premier tour et le faire poireauter sur le banc quelques temps était à la mode.

Résultat, lors de sa première saison, le jeune Daunte regarde Cunningham se trouer (2-4) et laisser sa place à Jeff George. Ce dernier corrige le tire (8-2) et emmène les Vikings en playoffs. Une nouvelle fois. La belle époque. Après une victoire face aux Cowboys au premier tour (le début de l'histoire tumultueuse entre la franchise texane et les séries) les Violets butent sur les Rams de Kurt Warner, en route vers le titre, dans une orgie offensive (37-49). Culpepper n'a pas lancé le cuir une seule fois, mais il en a suffisamment vu. C'est à son tour de jouer désormais. L'année suivante, en 2000, il est nommé titulaire.

Après une saison passée à cirer le banc, il avait visiblement des fourmis dans les jambes. Au programme de ses sept premières rencontres : sept succès, des touchdowns et des yards à gogo. Un triplé au sol pour commencer face aux Bears, un autre triplé, moins glorieux celui-ci (3 interceptions... malgré 355 yards), la semaine suivante contre les Fins et non pas un, ni deux, mais trois (!) autres triplés, aériens et victorieux cette fois, face aux Lions, Bills et Bears, une nouvelle fois victimes de la fougue de Culpepper. Des débuts tonitruants. Puis vient le coup de la panne, deux revers consécutifs. Daunte corrige rapidement le tire et enchaîne quatre nouvelles victoires avant de clôturer la saison par trois défaites. Sans conséquence, les Violets sont une fois de plus en playoffs. Comme quoi laisser un QB rookie apprendre sur le banc, ça marche parfois, même quand on ne s'appelle pas Aaron Rodgers. 

Après une victoire convaincante face aux Saints (34-16) avec plus de 300 yards et trois touchdowns à la clé, Culpepper reste muet en finale de conférence NFC et les Vikings sont balayés par les Giants (0-41). Dur à encaisser. Le jeune passeur décroche son premier billet pour Hawaii et les louanges de Randy Moss, son jouet de luxe, qui se régale des missiles longue distance de son nouveau quarterback. Le duo fait des étincelles.

Fort d'une première saison accomplie, Daunte est attendu au tournant. Et il va foncer droit dans le décor. En 2001 il lance 14 tout petits touchdowns et 13 interceptions. De 11-5 les Violets passent à 5-11. Pas de playoffs en bout de course. Fin de série. Titulaire lors des onze premières rencontres, Culpepper est privé des cinq dernières à cause d'une blessure au genou. Toujours dangereux au sol, il demeure précis à la passe, mais perd l'instinct de tueur qui avait fait sa force en 2000.

La saison suivante est dans la même veine. Frappé pas la légendaire Madden curse, il réalise l'une des pires saisons de sa carrière. Un peu plus de touchdowns (18), mais toujours plus d'interceptions (23), les Vikings ne décollent pas (6-10) et ratent à nouveau les séries. Entre performances décevantes et blessures, Culpepper est dans le creux de la vague. Et la franchise du Minnesota avec.

La rédemption puis le feu d'artifice

Après deux saisons à oublier, l'heure de la rédemption a sonné. Les Violets (9-7) ratent les playoffs, mais ont clairement redressé la barre. De son côté Culpepper a réglé la mire et retrouve Hawaii au terme d'une saison pleine (3479 yards, 25 touchdowns et 11 interceptions). Plein de promesses. Le meilleur reste à venir.

Le meilleur, c'est 2004. L'année faste, glorieuse, historique. L'année de tous les records pour Daunte. Avant la chute... D'un point de vu collectif pourtant, les Vikings régressent et laissent à nouveau filer leurs rêves de séries (8-8). Mais sur le plan personnel, Culpepper est sur un nuage. Les stats parlent d'elles-mêmes : 4717 yards, 69.2% de passes complétées, 39 touchdowns (record de franchise et un de plus que Ponder depuis son arrivée dans le Minnesota...!), 11 interceptions, 110.9 d'évaluation. Ajoutez à cela 406 yards et deux touchdowns au sol. Hawaii l'accueil à bras ouverts, une nouvelle fois. Le record de yards combinés au sol et à la passe de Monsieur Dan Marino, son idole d'enfance, est effacé des tablettes.  

Le quarterback est on fire : "Je me sens comme un chevalier Jedi," confie-t-il à la fin de la saison. Randy Moss légèrement en retrait, c'est Nate Burleson qui profite de l'état de grâce de son QB pour affoler les défenses. Mais c'était trop beau pour être vrai. La saison suivante marque le début de la descente aux enfers. Lente et inéluctable. Culpepper laisse ses plus belles années derrière lui.

Et là, c'est le drame...

Après une année idyllique, les choses tournent au vinaigre. Privé de Randy Moss, envoyé à Oakland, les interceptions (12) s'accumulent au même rythme que les défaites (cinq en sept rencontres). Blessé en semaine 7, sa saison s'arrête là. Et son aventure dans le Minnesota également. Comme si ses prouesses sur le terrain ne suffisaient pas, Culpepper se retrouve impliqué dans le scandale du Love Boat. Une histoire de bateau, de prostituées et d'orgie sexuelle. Un truc de Vikings quoi. C'est sur cette affaire lubrique que Culpepper clôt son aventure dans l'État aux 10 000 lacs. Un passage fait de hauts et de bas, mais qui a suffi à marquer l'histoire de la franchise et à le hisser jusqu'au Panthéon des quarterbacks Violets, aux côtés de Tommy Kramer, Joe Kapp et Fran Tarkenton, pour ne citer qu'eux.
 


♫ Music : XV (ft. Trae The Truth) - Batteries

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